Les mots peuvent chavirer les cœurs les plus durs. Patrick Rothfuss
Le matin, je cours. Je trottine, devrais-je dire. J’éprouve une douleur à la cuisse gauche depuis plusieurs jours, ce qui m’oblige à ralentir le rythme. Je le fais de bon cœur. Ralentir le rythme et prendre le temps de contempler, d'écouter et de sentir. Je cours avec ce que j’ai, comme on écrit avec ce que l'on est : ses ressentis. Sa singularité. Et sa souffrance.
Le cœur foule un chemin solitaire
Haut gardé par des sentinelles résineuses
Un oiseau imaginaire l'emporte
Par monts et par vaux où va-t-il?
Quand je cours, j’accomplis un rêve. Je ne vais pas vers lui, je ne m’en approche nullement. Je le réalise. Et comme Haruki Murakami l’écrit dans son livre Autoportrait de l’auteur en coureur de fond : « Durant les courses de fond, le seul adversaire que l’on doit vaincre, c’est soi, le soi qui traîne tout son passé ».
Et pour l’instant, je constate que je traîne la jambe.
Que je m'éloigne du monde ou que je le parcoure, je me dépossède comme pour épurer l’horizon.
Naturellement. J'ignore pourquoi.
Fatiguée, je m’adosse au tronc de l'arbre du bord des eaux.
J'ai besoin d'air.
La poésie est d’abord cet espace de liberté à faire éclore en soi. La coquille un jour se fendille,
j'ouvre un carnet et j'écris : bonjour ! Et enfin je respire.
Tout début d’une histoire d'amour commence par un simple bonjour. Un instant chaviré.
Au loin, les lumières de la ville vacillent.
Au moment où la vie est si ténue qu’une légère brise d’été pourrait l’emporter, le bel oiseau me dépose sur le trottoir. Déjà?
bé
Je me trompais peut-être, mais je m’arrêtais toujours quand je commençais à écrire de tête et je m’efforçais à n’écrire que de cœur. Tolstoï
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