En couchant sur la page les pensées, les émotions qui nous traversent et nous consument, nous remettons naturellement en question nos propres croyances, nous rafraîchissons notre vision du monde pour l’aligner à l’aulne d’une imagination renouvelée. Nous renonçons peu à peu à aller à l’encontre de nous-même, car observer simplement ce qui s’écrit librement sous notre plume soulève le voile sur notre propre mystère. Parlementer avec nos principes, nos jugements, affronter nos peurs, nos lâchetés et oser ouvrir les yeux sur nos ombres, court-circuite nos fonctionnements habituels et automatiques.
S’asseoir au pied de notre inconscient et contempler les mots s'inscrire sur la page, c’est comme plonger dans le regard lumineux et honnête de l’amour. Car l’amour a des yeux qui ne trompent pas. J’imagine en cet instant où j’écris ces lignes que la beauté, la grâce, l’ombre et la lumière, la poésie sont les cinq doigts d’une main qui caresse tendrement la moindre lettre de la vie qui m’habite. La beauté est nue de toute idée. Elle est. C’est tout. Je la reconnais à ce qu’elle imprime en moi. Quant à la grâce, elle véhicule le parfum de l’amour.
La poésie (le journal aussi, ou le carnet de voyage) nous accompagne dans notre transformation jusqu'à la porte de notre âme, semant des graines de folie dans le jardin intime de notre être. Les mots-poètes puisent leur eau dans les métaphores pour se blottir au plus près de l’authenticité et de la vulnérabilité.
Car la poésie, tout comme l’amour, tout comme la vie lorsque nous nous éveillons à elle, vit à découvert, une épée dans une main, une rose dans l’autre.
Entre et au creux des mots se côtoient les ténèbres et les silences. Les silences me fascinent, m’intriguent. C’est le feu dans l’âtre, le cœur s’enflamme, les pensées se figent ou se meuvent, la passion se libère. Tandis que les ténèbres attendent que nous les libérions à la lumière de nos émotions. L'amour est à réinventer, a écrit Rimbaud. Et si tout était à réinventer, en commençant par nous-même ?
bé
